Mon parcours (2)

 

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Bien sûr, tout ce temps là je voulais me tuer. Je le voulais plus que tout, et il n'y avais pas une journée (enfin une nuit plutot), sans que je me passe les ciseaux sur le poignet en prenant un plaisir incroyable à me dire que je pourrais tout simplement appuyer un peu plus fort. Je ne suis pas passée à l'acte, simplement des heures à y penser, a faire des noeuds sur des cordelettes, à m'entailler de plus en plus profondément, prendre de plus en plus de médicaments... Et systématiquement avant de dormir, des heures à pleurer de désespoir, les ciseaux contre cette veine, juste à attendre d'avoir le courage qu'il me manquait (c'est ce que je pensais, ma vision des choses est différente maintenant).

 

Bref, on en arrive aux vacances d'été (qui décidément ne me réussissent pas depuis quelques années mdrrr). 

 C'est à ce moment là que j'ai fini de disjoncter. Les premières semaines passent plus ou moins tranquillement, en dr Jekyll et Mr Hyde, avec les sorties entre amis, chichas, soirées, les crises de larmes et d'angoisse, les jeûnes et la boulimie, mais une amélioration : arrêt de l'automutilation et des médicaments, quelques rechutes, mais beaucoup de volonté. Pour le reste, et pour mon état d'esprit, pire que jamais. Et on aurait pu en rester là, sauf que ça m'est tombé dessus sans que je m'y attende : mes parents ont décidé que je partais vivre chez mon père.

 

On est au milieu des vacances, je passe une semaine de choc, en flottement total, incapable de manger, de penser, je pleure mais c'est par pur réflexe en moi rien ne sort. Plus de crises d'angoisse pendant cette semaine là, l'angoisse à l'intérieur a bouffé tout le reste.

 

Puis je reprends mon rythme de l'été comme avant, avec un plus, des crises de folie. J'appelle ça comme ça, je n'ai pas trouvé d'autre nom, et ça en a peut-être un, je ne le connais pas. En tout cas ça dure de 3 à 6 heures, et je ne suis pas présente dans ma tête, à part pour la douleur, je ne suis pas consciente de ce que je fais, je ne contrôle rien, je ne pense pas, je me vois faire des choses, je ressens la souffrance, ça s'arrête là. J'étais souvent seule chez moi (donc facile de secher les cours, cacher mes crises, mes jeunes, etc), et personne n'a jamais vu une de ces crises. Pendant ce temps, en général, je commencais par une douche. Je me mettais à pleurer, puis à hurler, puis à frapper des choses, puis à me frapper, puis à me frapper avec différents objets. Ca durait plus ou moins longtemps, et je sortais de la salle de bains pour me précipiter sur la nourriture, pour me remplir, pour tuer la douleur en moi, et ce sont les crises de boulimie les plus violentes que j'aie faites. A la fin, j'avais des douleurs dans le ventre abominables. C'est souvent là que j'allais dans ma chambre, entre la panique et la folie, continuer à me faire du mal, jusqu'a m'effondrer par terre ou sur mon lit, en larmes, et pleurer jusqu'à m'endormir.

 

Voilà la seconde partie de l'été, encore chez moi : une sortie, une crise d'angoisse, une crise de folie. Dormir, recommencer. Une soirée de temps en temps.

 

Mais j'avais encore mes amis, et quelques distractions. La troisième partie est pire (c'est fou ce qui peut se passer en deux mois). J'avais un programme identique, mais j'étais chez mon père, seule avec lui, pas d'amis, pas de sorties. Toute seule avec mes crises de folie que j'ai appris à rendre de plus en plus silencieuses... Puis j'ai appelé un CMP, pris rendez-vous avec un psy. Qualifiant mon cas d'urgent, ils m'en ont dégoté un deux semaines plus tard. Voilà comment je rencontre le docteur Nina (je fouillais sur internet pour en savoir plus sur eux, et je ne veux pas donner de noms de famille), dans un CMP éloigné de chez moi, qui me redirige vers le CMP le plus proche.

CMP ou je rencontre une semaine plus tard l'infirmière Mireille en compagnie du docteur Nina toujours pour évaluer mon cas. Et enfin, quelques temps après, je rencontre le docteur Loïc qui devrait être mon psy définitif, toujours en compagnie de l'infirmière. Il a l'air gentil, je lui parle de mon dernier cauchemar en date, ça l'inquiète. Puis au revoir, prochain rendez-vous mi septembre.

 

Par rapport à la rentrée (en 2nde pro vente) je vais pas trop écrire. J'ai passé 10 jours en cours, j'y allais à pieds en luttant pour pas tomber dans les pommes sous la violence de l'angoisse, et sur place, je continuais a lutter toute la journée. Puis je rentrais en luttant contre les larmes et comme un gout de crise de folie qui montait. C'etait ce qui primait : une lutte constante pour intérioriser le jour, le désespoir la nuit. Et pour toute nourriture, de l'eau citronnée, une demi pomme par jour.

 

Jusqu'au deuxième jeudi soir. Tout était comme d'habitude, mon pere descendu prendre un kebab, ses deux potes, l'un bourré, l'autre camé, un joint qui tournait entre les deux. Il est 22h et j'ai une pensée qui me vient "je mange ce kebab et ensuite j'irai dans la chambre, et je me pendrai". J'en avais 200 par jour des comme ça, mais là j'étais pas dans mon état normal, j'ai mangé ce kebab et un truc a changé en moi, je voulais une derniere chance.

 

Alors j'ai pris la décision de partir. C'est le jour ou je me suis sauvé la vie mdr

Je n'ai pas dormi, j'ai fait ma valise (toutes mes affaires étaient là-bas, je ne pouvais emporter qu'une valise et je n'ai jamais récupéré mes autres affaires, là bas rien n'a bougé depuis) en silence, déplacé des objets que je n'emportais pas pour ne pas donner une impression de vide, puis je me suis assise, et j'ai attendu. à 6h30 mon réveil a sonné, je l'ai laissé, j'avais déjà mes vêtements, mais j'ai fait du bruit en ouvrant les tiroirs, puis je suis allée me brosser les dents vite fait. Je m'appretais a partir comme si j'allais en cours mais mon pere etait deja réveillé et je devais attendre qu'il prenne sa douche (pas possible de sortir sans etre vu dans cet appartement, encore moins avec une valise, encore moins avec le bruit que fait la porte). Alors j'ai inventé un bobard, et pendant sa douche, je suis juste partie.

 

Tout simplement 

 

Mais ça m'a demandé une grande dose de courage. J'avais peur de mon père, ce gars qui m'insultait, me disait que j'étais comme ma mere, que j'aurais du faire le trottoir pour apprendre la vie, qu'il ne comprenait pas comment il pouvait tolérer une immondice telle que moi sous son toit... Bref, ce mec me foutait les jetons pour résumer. Je ne savais pas de quoi il aurait été capable s'il savait ce que je faisais, à ce moment là.

 

Donc j'aurais dû angoisser, ça aurait dû être insoutenable. Mais je me sentais libre, heureuse, je n'ai pas eu peur dans la rue. J'avais une peur immense de mon pere et de ce que je faisais, j'étais pétrifiée, mais à côté, je me sentais bien, heureuse, et libérée de mon angoisse constante des gens. C'était plutôt une belle journée, je suis partie à 7h45 et suis arrivée chez moi (je n'ai jamais appelé chez mon pere "chez moi", mon esprit n'a pas pu s'y résoudre) à 15h30, moche, puante, dans un état lamentable physique et moral, mais en vie, et c'est déjà plus que j'aurais pu en espérer si j'avais vu ma vie comme un film.

 

  

 

Je vais arrêter là pour cet article, je ne décrirai pas ma guérison ici, ça doublerait les lignes et c'est assez long comme ça. Je ne prétends pas avoir vécu des choses dures ni que ces 4 pauvres années ont été les pires qu'on puisse imaginer, je trouve que j'ai eu de la chance, et je raconte juste, ma vie n'est ni pire ni meilleure qu'une autre. Voilà mon expérience dans les TCA et la dépression, une partie de ce qui m'a amenée à devenir celle que je suis et peut-être que dans quelques années ça n'aura plus d'importance, que je dirais juste "c'était une période sombre", j'espere en tout cas.

 




25/09/2012
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